Question de Mme Elsa Schalck (Bas-Rhin – Les Républicains) publiée le 18/02/2021
Mme Elsa Schalck appelle l’attention de M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie sur l’importance de maintenir l’usage du français dans les instances et les juridictions européennes.
La décision 002/2020 du collège du Parquet européen du 30 septembre 2020 a adopté l’anglais comme seule langue de travail « pour les activités opérationnelles et administratives » du parquet et n’a retenu l’usage du français ainsi que celui de l’anglais que pour les seules relations avec la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a abandonné provisoirement l’usage consistant à publier les communiqués de presse de la Cour en français et en anglais, au profit de la seule langue anglaise.
Or le français est la seule langue de délibéré de la Cour de justice de l’Union européenne, institution qui accueille dans ses locaux le parquet européen, ce qu’a rappelé le conseil national des barreaux dans une motion prise le 22 janvier 2021.
Le plurilinguisme de l’Union européenne constitue une richesse culturelle qu’il s’agit préserver notamment par la défense de la francophonie qui marque le rôle moteur joué par la France dans la construction de l’Europe.
Rappelant que le français est une langue officielle des institutions de l’Union européenne dont il est important de promouvoir et de défendre le statut, elle demande au Gouvernement de faire preuve d’une particulière vigilance à tout recul de l’usage du français au sein des institutions européennes.
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Réponse du Ministère auprès de la ministre des armées – Mémoire et anciens combattants publiée le 21/07/2021
Réponse apportée en séance publique le 20/07/2021
M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, auteure de la question n° 1522, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Elsa Schalck. J’aimerais attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’être particulièrement vigilant face au recul de l’utilisation du français au sein des institutions européennes.
Je me fais notamment l’écho d’une motion adoptée par le Conseil national des barreaux en janvier 2021, qui mentionne deux exemples aussi parlants qu’inquiétants concernant les juridictions européennes.
Premièrement, dans une décision du 30 septembre 2020, le collège du Parquet européen a adopté l’anglais comme seule langue de travail pour les activités opérationnelles et administratives de ce parquet.
Deuxièmement, la Cour européenne des droits de l’homme a provisoirement abandonné l’usage consistant à publier ses communiqués de presse en français, au profit de la seule langue anglaise.
Ces mesures sont difficilement compréhensibles, d’autant que la Cour européenne des droits de l’homme, dont je tiens à rappeler qu’elle a son siège à Strasbourg, prévoit dans son règlement que les langues officielles de cette institution sont le français et l’anglais.
Dans le même temps, le français est la seule langue de délibéré de la Cour de justice de l’Union européenne, institution qui accueille dans ses locaux le Parquet européen.
De plus, ces mesures ne peuvent se faire qu’au détriment de la compréhension par les citoyens de notre système judiciaire européen, qui est pourtant déterminant, notamment pour le développement de l’État de droit.
Profondément attachée à la francophonie, je ne puis me résoudre à ce que la langue française soit peu à peu abandonnée au sein des institutions et des juridictions européennes. Chaque recul de l’utilisation du français doit susciter une vigilance particulière et une mobilisation active de notre part.
Le plurilinguisme de l’Union européenne constitue une richesse culturelle. Le français est également une langue majeure pour la rédaction de traités internationaux et constitue une langue porteuse de valeurs universelles.
À l’heure du Brexit, ces mesures sont un contresens ; il y aurait lieu, au contraire, de réaffirmer la défense de la francophonie, symbole du rôle moteur joué par la France dans la construction de l’Europe.
Votre collègue Jean-Baptiste Lemoyne indiquait le 4 juillet dernier vouloir faire de la langue française une priorité de la présidence française de l’Union européenne qui commencera le 1er janvier 2022.
Comment comptez-vous relever ce défi ? Comment comptez-vous revenir sur les reculs qu’a déjà subis la langue française au sein des institutions et des juridictions européennes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Madame la sénatrice, la France est très attachée à la place de la diversité linguistique et, bien sûr, de la langue française au sein des institutions européennes. Non seulement le français fait partie des vingt-quatre langues officielles de l’Union, mais il en est l’une des trois langues de travail.
Pourtant, même après le Brexit, il est à craindre que l’anglais reste la langue de travail dominante des institutions européennes, tant à l’oral qu’à l’écrit.
Le cas du Parquet européen, que vous soulevez, est emblématique. Nous avons suivi de près l’élaboration du régime linguistique de la nouvelle institution. Nous déplorons évidemment la décision du collège des procureurs de n’utiliser que l’anglais comme langue de travail. Nous avons exprimé notre regret lorsque la cheffe du Parquet a plaidé contre l’ajout du français comme langue de travail.
Néanmoins, comme vous l’avez rappelé, le français sera bien utilisé avec l’anglais dans les relations du Parquet européen avec la Cour de justice de l’Union européenne. La possibilité d’avoir recours au français sera donc préservée pour les questions majeures d’interprétation du droit de l’Union.
Je saisis cette occasion pour vous confirmer qu’il n’est aucunement question de remettre en cause l’usage du français au sein de la Cour de justice de l’Union européenne.
La France sera aussi pleinement mobilisée dans le double cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, au premier semestre de 2022, et de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, pour défendre la diversité linguistique et l’usage de la langue française dans les institutions européennes.
Dans cette perspective, nous redoublons nos efforts pour que nos autorités alertent systématiquement les institutions européennes sur la nécessité d’accepter des documents dans toutes les langues officielles de l’Union, notamment en français, lorsque la traduction n’est pas prévue.
Nous conduirons par ailleurs une présidence en français : les réunions qui auront lieu en France se tiendront en français, avec au minimum une interprétation en anglais. Pour ce faire, nous renforçons notamment notre offre de cours de français à destination des fonctionnaires européens et des représentants d’États membres présents à Bruxelles, au travers du centre Millefeuille Provence, qui est d’ailleurs particulièrement sollicité.
Enfin, un groupe de travail a été mis en place en avril 2021 sur ce sujet, sous la présidence du professeur Christian Lequesne ; ses réflexions doivent aboutir à la présentation le 1er septembre 2021 d’un rapport contenant des propositions opérationnelles pour promouvoir la diversité linguistique et la langue française au sein des institutions européennes.
Les conclusions de ce rapport seront officiellement présentées à la fin du mois de septembre prochain à Bruxelles, à l’occasion de la Journée européenne des langues. Ces recommandations serviront de base aux ambitions que la France présentera en mars 2022, lors d’un événement de haut niveau tenu à l’occasion de la Journée internationale de la francophonie.
M. le président. Il est temps de conclure, madame la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. En somme, madame la sénatrice, nous sommes comme vous très attentifs à la présence de la langue française au sein de l’Union européenne.
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