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Interdire l’usage de l’écriture inclusive

26 janvier 2022 | Propositions de loi

Proposition de loi visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive

Texte n° 404 (2021-2022) de Mme Pascale GRUNY et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 26 janvier 2022.

Exposé des motifs

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années, les partisans de l’écriture inclusive cherchent à déconstruire la langue française.

Réclamée pour – soi-disant – introduire dans l’écriture un équilibre entre l’usage du masculin et du féminin, c’est-à-dire pour combattre jusque dans la langue la supposée « domination masculine », l’écriture inclusive ne résulte de rien d’autre que d’une volonté d’affaiblir encore davantage la langue française en la rendant illisible, imprononçable et impossible à enseigner.

En abîmant la langue française, l’écriture inclusive fragilise le creuset d’une culture commune partagée par plus de 300 millions de francophones dans le monde (750 millions d’ici 2070). Car une langue n’est pas seulement un moyen de communication, elle est aussi et surtout au coeur d’une civilisation. Elle porte une mémoire, une façon de décrire le monde et surtout l’identité d’une nation.

L’Académie française voit dans l’écriture inclusive un « péril mortel » pour l’avenir de la langue française. Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel, et Marc Lambron, directeur en exercice, la considèrent comme « nuisible à la pratique et à l’intelligibilité de la langue française ». Et d’ajouter qu’« en prônant une réforme immédiate et totalisante de la graphie, les promoteurs de l’écriture inclusive violentent les rythmes d’évolution du langage selon une injonction brutale, arbitraire et non concertée, qui méconnaît l’écologie du verbe ».

Voilà pourquoi il est nécessaire d’en interdire l’usage.

1. L’état du droit

L’écriture inclusive désigne « les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine », selon la définition qu’en donne la circulaire du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française.

Cette dernière la prohibe « pour les textes destinés à être publiés au Journal officiel de la République française », « notamment pour des raisons d’intelligibilité et de clarté de la norme ». Le Conseil d’État, qui en a été saisi et a rejeté le recours, a constaté que la circulaire, « en prescrivant d’utiliser le masculin comme forme neutre pour les termes susceptibles, au sein des textes réglementaires, de s’appliquer aussi bien aux femmes qu’aux hommes et de ne pas faire usage de l’écriture dite inclusive, la circulaire attaquée s’est bornée à donner instruction aux administrations de respecter, dans la rédaction des actes administratifs, les règles grammaticales et syntaxiques en vigueur ». Le Conseil d’État a considéré que cette circulaire ne pouvait être regardée comme ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à l’égalité entre les femmes et les hommes. (Conseil d’État, 2ème – 7ème chambres réunies, 28/02/2019, n° 417128).

Le ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports en a tiré les conséquences dans une circulaire du 5 mai 2021 (Règles de féminisation dans les actes administratifs du ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports et les pratiques d’enseignement), laquelle proscrit l’utilisation de cette graphie qui pénalise la lutte contre les stéréotypes et l’égalité des chances de tous les élèves, car sa complexité et son instabilité « constituent autant d’obstacles à l’acquisition de la langue comme de la lecture. Ces écueils artificiels sont d’autant plus inopportuns lorsqu’ils viennent entraver les efforts des élèves présentant des troubles d’apprentissage, accueillis dans le cadre du service public de l’École inclusive » (dyslexie, dyspraxie, dysgraphie, dysphasie, cécité, etc.). Cette deuxième circulaire définit l’écriture inclusive comme celle qui « utilise notamment le point médian pour faire apparaître simultanément les formes féminines et masculines d’un mot employé au masculin lorsque celui-ci est utilisé dans un sens générique ».

Cette écriture, qui se traduit par la fragmentation des mots et des accords, constitue en effet un frein à la lecture et à la compréhension de l’écrit. L’impossibilité de transcrire à l’oral les textes recourant à ce type de graphie gêne la lecture comme la prononciation, et par conséquent les apprentissages, notamment des plus jeunes.

En outre, l’écriture inclusive complique grandement l’apprentissage du français comme langue étrangère, tout comme elle rend les locuteurs francophones (Afrique, Québec, etc.) étrangers à leur propre langue, ne pouvant plus la lire, la dire et l’enseigner. Un travail de sensibilisation paraît également nécessaire auprès des organisations internationales, notamment européennes, dont certaines recourent déjà à la langue inclusive dans la rédaction des documents en français.

Dans sa décision de 2019, le Conseil d’État a souligné que cette règle était applicable « à la rédaction des actes administratifs », « en particulier » ceux destinés à être publiés au JORF, mais pas exclusivement. Cette obligation englobe donc également les réponses de l’administration aux demandes formulées par des particuliers.

Malgré ces premières étapes règlementaires, certains syndicats et enseignants affichent publiquement leur résistance et leur détermination à en poursuivre la diffusion dans les classes. Des professeurs d’université ont déclaré qu’ils risquaient de perdre leur charge s’ils n’utilisaient pas l’écriture inclusive. Seule une loi et un travail de pédagogie permettront de mettre fin à ce type d’écriture et à travers elle une idéologie qui concourt inexorablement à l’exclusion de nos concitoyens les plus fragiles.

2. La nécessité d’une loi interdisant largement l’usage de l’écriture inclusive

Plusieurs initiatives parlementaires récentes ont été déposées afin d’interdire l’usage de l’écriture inclusive dans la « sphère publique », sphère recouvrant non seulement les documents administratifs, y compris ceux des personnes de droit privé investies d’une mission de service public, mais aussi les liens entre l’administration et le public (notamment les demandes d’un particulier à l’administration).

Toutes ces initiatives avaient cependant pour commun dénominateur de se limiter à la sphère publique. La présente proposition de loi suggère d’aller plus loin en interdisant l’écriture inclusive dans tous les cas où le législateur (et éventuellement le pouvoir règlementaire) exige un document en français.

Ainsi, l’article 1er de la proposition de loi prévoit que lorsque la loi (ou le règlement) exige un document en français, cette condition n’est pas remplie si le document produit l’est sous forme inclusive. Sera donc applicable la sanction prévue par la loi (ou le règlement) en question en l’absence de document en français.

Cette solution s’applique donc nécessairement à la sphère publique (ne serait-ce que par le jeu de l’article L. 111-1 du code des relations entre l’administration et le public : « L’usage de la langue française est prescrit dans les échanges entre le public et l’administration, conformément aux dispositions de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française »).

Mais elle va aussi plus loin en visant par exemple les cas suivants (liste non-exhaustive) :

· En application de la loi du 4 août 1994 : les documents commerciaux (offres commerciales, descriptifs de produits, modes d’emploi, etc.), les informations du public (panneaux sur la voie publique, sur les autobus, etc.), les documents distribués aux participants des colloques en France…

· En application du code du travail : les contrats de travail, le règlement intérieur de l’entreprise, les accords collectifs, les documents distribués aux représentants des salariés, les avertissements sur le fonctionnement des machines, etc.) ;

· En application du code des transports : les documents à fournir aux membres d’un équipage, les instructions de sécurité, etc. ;

· En application du code monétaire et financier : les documents d’information des émetteurs de titres négociables, les statuts des organismes (OPCVM, sociétés de financement, fonds d’investissement…).

Il est également proposé d’ajouter une mention expresse dans le code de l’éducation afin d’éviter tout risque d’ambiguïté dans la mesure où ce code n’exige pas à proprement parler systématiquement des documents rédigés en français (et pour cause, cela serait difficile en cours de langues étrangères…).

L’article 2 de la proposition de loi prévoit des dispositions relatives à l’application de la loi dans le temps, au nom de la sécurité juridique. Il ne faudrait pas par exemple que soient remis en question, au motif qu’ils comporteraient des stipulations rédigées en inclusif, les contrats de travail conclus avant cette loi, ou les ventes de produit nécessitant un mode d’emploi. Le dispositif s’applique donc aux contrats futurs.

Pour permettre d’écouler les stocks de produits dont le mode d’emploi serait aujourd’hui rédigé en style inclusif (faute de quoi les fabricants et les distributeurs se retrouveraient pour un temps dans l’impossibilité de vendre), il est proposé de laisser six mois aux fabricants et distributeurs pour écouler leurs produits.

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